Château du Cèdre

Le château du Cèdre

Château du Cèdre, L’Ognon – © Claude Fayoux, 2019

Situé à environ 1 kilomètre du bourg d’Anché, au Sud-Est, au lieu-dit l’Ognon, le château du Cèdre, remarquablement mis en valeur par sa situation sur une hauteur, domine la route départementale de Champagné (D 29).
Propriété de la famille THIBAUDEAU au XIXème siècle, c’était alors une simple et charmante gentilhommière. Elle était alors utilisée comme rendez-vous de chasse par M. THIBAUDEAU, propriétaire d’autres demeures à Anché. Peu d’éléments sont connus de cette première demeure. La seule représentation que nous en ayons est la photo d’un tableau, peint par Melle DENIZOT, certainement aux alentours de 1900.

Une autre bâtisse, située à l’arrière de cette maison bourgeoise, servait au logement de la famille de certains employés, dont le garde-chasse. Elle fut habitée jusque dans les années 1970 (depuis les années 1920 la même famille y resta). Probablement modifiée au cours du XIXème siècle, elle existe toujours, ainsi que ses petites dépendances.
Des éléments d’architecture, en particulier un bel escalier, témoignent de l’ancienneté de cette maison. Était-ce le tout premier château du Cèdre ? De ce premier ensemble, dont l’existence est certifiée par la cadastre de 1837, subsiste aussi la ferme, à l’extérieur du mur entourant le parc, donnant vers la cour. C’est maintenant uniquement une maison d’habitation. Les écuries étaient de ce côté, la partie agricole semblant assez nettement séparée de la partie résidentielle. Une toute petite dépendance jouxtant la voie communale est contemporaine de la demeure antérieure à 1837, (était-ce un chenil ?) tandis que l’actuelle ferme de l’Ognon et ses granges sont plus récentes, mais antérieures à 1933, peut-être construites peu après le « nouveau» château.
Le grand puits qui orne la cour de ce côté, proche de la voie communale, était le
seul point d’eau potable sur le site ; en effet la fontaine de l’Ognon était assez éloignée et probablement utilisée pour les animaux et la lessive (avant la création du lavoir en 1902).
Cette propriété rurale était constituée de bonnes terres et de plusieurs fermes
(dont la Férole à Anché, le Petit Fontmort à Champagné). Parmi d’autres productions, on cultivait le chanvre dans les prés bas irrigués par de nombreuses sources et bordant le Clain (c’était une culture traditionnelle autrefois et un bassin à rouir le chanvre se trouvait d’ailleurs à quelques centaines de mètres, à la Cluzaudière, ainsi qu’une ancienne corderie dans ce même hameau). Des grottes, situées dans les coteaux appartenant au Cèdre, ont servi d’habitation. Elles permettaient aussi aux travailleurs de s’abriter en cas d’intempéries. Pour certains autres propriétaires d’Anché elles remplaçaient les caves lorsque leurs demeures en étaient dépourvues, ce qui n’était pas le cas du Cèdre.

M. THIBAUDEAU vendit la propriété à M. Isidore DENIZOT, député maire de
Poitiers vers 1880. Elle constitua la dot de sa fille Marie Henriette Denise, née en 1878, l’auteure du tableau (Denise Laffarge, pour ceux qui l’ont connue). Son mari, Fernand LAFFARGE, haut fonctionnaire, fit ériger le château que nous connaissons actuellement. La famille LAFFARGE appartenait à la bourgeoisie « de robe » et d’éminents magistrats en firent partie. En 1899 la thèse rédigée par M. Fernand LAFFARGE avait pour thème une taxe militaire créée dix années plus tôt.
Cette résidence secondaire, construite entre 1902 et 1904, était destinée à recevoir.

Pour illustrer l’époque : quand la famille venait au Cèdre, le voyage se faisait en calèche depuis Confolens, dont M. LAFFARGE était Sous-Préfet ; on s’arrêtait à mi-chemin, au relais de poste de Saint-Martin l’Ars, car le voyage de 70 kms durait deux jours. En ce temps-là, l’entretien du château et le service ordinaire ne demandaient que peu de personnel, la famille n’y résidant pas en permanence : trois employés et un garde-chasse y suffisaient ordinairement.
La demeure est de conception très moderne : clarté des pièces, cheminées avec une récupération de chaleur très efficace, eau froide et eau chaude à chaque palier pour les deux étages et une salle de bains.

En totalisant les mémoires remis par les entrepreneurs on constate qu’elle coûta la somme considérable de 100 000 Francs or (sachant qu’un repas « à table d’hôtes » coûtait 0.75 F… nous pourrions l’estimer à plus d’ 1 million 500 mille euros).
Maçons, menuisiers, charpentiers-couvreurs, zingueurs, fumistes, ferronniers,
plâtriers, peintres-vitriers, terrassiers, transporteurs : de nombreux métiers ont concouru à réaliser cet édifice. C’est l’oeuvre d’artisans locaux car, bien que le maçon soit de Châtellerault, beaucoup venaient des communes environnantes : Payré, Ceaux, et aussi M. Damien COTREAU, charpentier, qui vivait à Anché. Certains patrons prenaient des repas « à table d’hôte » dans la maison sise à l’arrière du château, et ces pensions étaient facturées à M. LAFFARGE ; 625 repas furent ainsi servis au début du chantier, d’octobre à décembre 1902, et figurent dans le prix de revient du château.
Les matériaux énumérés dans les mémoires remis par les entrepreneurs sont la
brique, la chaux, le sable, la pierre de taille, les moellons, ciment, poteries, cailloux pour les allées, colorants pour les peintures et enduits, pierres cassées, terre. Chaque somme correspondante fut soigneusement vérifiée par l’architecte, M. COLOMBERT ; quant à lui, ses honoraires représentèrent 9 % du prix de la construction

Le parc qui donna son nom au château est remarquable. Selon la mode de l’époque, de nombreux résineux y furent plantés et ces arbres sont aujourd’hui dans leur pleine maturité. L’étang et le lavoir, bien visibles depuis la route de Champagné, ont été créés en même temps que l’édifice et le parc.

(Marie Henriette) Denise LAFFARGE, née DENIZOT, est décédée à Anché en 1962 et sa petite nièce hérita du domaine ; le château ne fut plus habité régulièrement mais quelques belles fêtes de famille s’y déroulèrent encore.

Le Cèdre a changé de propriétaires il y a une trentaine d’années et c’est essentiellement grâce à leurs archives et aux renseignements qu’ils ont pu communiquer que cet article a été rédigé.

[CT]